Le volet consacré à la commande publique de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique du 7 décembre dernier, dite loi «Asap », simplifie les dispositions déjà existantes et pérennise certaines règles mises temporairement en place au cours de l’année 2020 pour permettre la relance économique face à la crise sanitaire.
UN MARCHÉS ACCÈS AUX PUBLICS « LIBÉRÉ»
I’article 131 a étendu à tous les marchés publics globaux l’obligation déjà existante pour les marchés de partenariat des collectivités locales de réserver une part minimale d’exécution du marché à des PME, TPE ou artisans. Celles-ci devront donc tenir compte, parmi les critères d’attribution, de la part d’exécution du marché qui sera confiée à ces opérateurs. Le montant de cette part sera précisé par voie réglementaire. I’ordonnance du 17 juin 2020 (article2), qui avait mis en place cette règle, fixait à 10%la part réservée a opérateurs économiques.
Dérogation aux règles de publicité et de mise en concurrence
De plus, les PME, qui ne disposent pas toujours des moyens techniques et humains pour s’engager dans la mise en concurrence, bénéficient de l’introduction d’une dérogation aux règles de publicité et de mise en concurrence préalables, pour un motif d’intérêt général. Les collectivités pourront donc passer des marchés de gré à gré dans certains cas déterminés par décret en Conseil d’Etat. Le Conseil constitutionnel a précisé que cette dérogation devait rester exceptionnelle et n’avoir lieu que dans les cas où le recours aux règles générales serait« manifestement contraire» à l’intérêt général. De même, l’article 142 de la loi rehausse le seuil de dispense de formalités préalables pour les marchés de travaux inférieurs à 100 000 euros hors taxes ( 1), contre 70 000 € auparavant, jusqu’au 31 décembre 2022 pour les marchés pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d’appel à la concurrence envoyé à la publication à compter du 8 décembre 2020. Cette évolution devrait notamment permettre aux collectivités d’accélérer la mise en chantier de leurs projets, à deux conditions: le montant cumulé de ces lots ne devra pas excéder 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots, et les acheteurs devront veiller à choisir une offre pertinente.
Dans ces deux hypothèses, le Conseil constitutionnel rappelle que les acheteurs ne doivent pas déroger aux exigences constitutionnelles d’égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics (2).
Coup de pouce aux entreprises en redressement judiciaire
Les entreprises en redressement judiciaire, autrefois exclues de la procédure de passation des marchés, peuvent se porter candidates à µn contrat de la commande publique, sans avoir à justifier qu’elles ont été habilitées à poursuivre leur activité pendant la durée prévisible du contrat. De plus, un contrat ne peut plus être résilié du simple fait que le titulaire est placé en redressement judiciaire.
Marchés réservés aux Esat
Enfin, l’article 141 de la loi a levé l’interdiction concernant la réservation d’une même procédure, d’une part, aux entreprises adaptées (EA) et établissements et services d’aides par le travail (Esat), et d’autre part aux structures d’insertion par l’activité économique (SIAE). Désormais, la collectivité peut donc réserver un marché ou un lot à ces deux types d’opérateurs économiques.
UN SIMPLIFIÉ RECOURS POUR LES ACHETEURS
Pour rappel, l’article L. 2171-4 du code de la commande publique autorisait l’Etat à confier une mission globale à un opérateur économique dans quatre cas. I’article 143 de la loi y a ajouté une cinquième possibilité: l’Etat peut recourir aux marchés globaux pour la conception, la construction, l’aménagement, l’exploitation, la maintenance ou l’entretien de ses infrastructures de transport (hors ,bâtiments). De même, l’article 144 ouvre cette possibilité à la Société du Grand Paris, qui peut désormais recourir aux marchés globaux pour la construction et la valorisation immobilière de projets connexes au Grand Paris Express.
La représentation par un avocat sans mise en concurrence
I’article 140 de la loi modifie le code de la commande publique en excluant de son champ d’application les marchés juridiques : les services juridiques de représentation légale d’un client par un avocat, ainsi que les services de consultation juridique fournis par un avocat relèvent désormais des «autres marchés», qui peuvent être conclus sans publicité ni mise en concurrence.
Champ élargi pour les modifications de contrats
Depuis l’entrée en vigueur du code de la commande publique, les collectivités peuvent modifier les contrats conclus après le 1er avril 2016. I..:article 133 de la loi a étendu cette faculté aux contrats « pour lesquels une consultation à
été engagée ou un avis d’appel à la concurrence a été envoyé à la publication avant le 1er avril 2016», lesquels peuvent être modifiés sans nouvelle procédure de mise en concurrence.
Cette évolution devrait notamment permettre aux collectivités territoriales de commander des travaux, fournitures ou services supplémentaires.
UN DROIT SPÉCIAL EN CAS DE CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES
I’article 132 de la loi a créé dans le code de la commande publique un livre VII comprenant les dispositions relatives aux circonstances exceptionnelles.
Ainsi, dans certaines circonstances exceptionnelles, un décret peut prévoir l’application de mesures aux marchés publics en cours d’exécution, en cours de passation ou dont la procédure de passation n’est pas encore engagée (3). Ce même article 132 crée un dispositif similaire pour les concessions dans un nouveau livre IV du code.
Adaptation possible des procédures de marché
Dans une telle situation, une collectivité territoriale pourra par exemple être autorisée à adapter la procédure de passation d’un marché, lorsque les modalités de la mise en concurrence prévues dans les documents de la consultation des entreprises ne peuvent plus être respectées (à condition de respecter le principe d’égalité de traitement des « candidats). Elle pourra aussi prolonger les délais de réception des candidatures et des offres pour permettre aux opérateurs économiques de présenter leur candidature ou de soumissionner (à moins que la prestation ne puisse souffrir aucun retard). Si une nouvelle procédure de mise en concurrence ne peut pas être mise en œuvre, la durée du contrat prévue initialement peut être prolongée.
Prolongation de délai
Le titulaire peut demander une prolongation du délai d’exécution du contrat s’il est dans l’incapacité de les respecter ou si l’exécution demandait des moyens dont la mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive. Cette demande doit être transmise avant l’expiration du délai contractuel et de la période exceptionnelle. Le délai est prolongé d’une durée équivalente à la période de non respect du délai d’exécution résultant directement des circonstances exceptionnelles.
Marché de substitution
Si le titulaire du marché se trouve dans l’incapacité d’exécuter tout ou partie du contrat (notamment s’il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation fait peser sur lui une charge excessive), il ne pourra ni être sanctionné ni se voir appliquer de pénalité contractuelle pour ce motif. Cependant, le maire pourra conclure un marché de substitution, avec un autre opérateur, pour répondre aux besoins qui ne peuvent souffrir aucun retard (mais l’exécution de ce marché ne peut être effectuée aux frais et risques du titulaire initial).