Comment la loi « ASAP » facilité la passation des marchés publics

Morgane Chevalier | | 11 avril 2022
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Le volet consacré à la commande publique de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique du 7 décembre dernier, dite loi «Asap », simplifie les dispositions déjà existantes et pérennise certaines règles mises temporairement en place au cours de l’année 2020 pour permettre la relance économique face à la crise sanitaire.

UN MARCHÉS ACCÈS AUX PUBLICS « LIBÉRÉ» 

I’article 131 a étendu à tous les marchés publics globaux l’obliga­tion déjà existante pour les mar­chés de partenariat des collectivités locales de réserver une part mini­male d’exécution du marché à des PME, TPE ou artisans. Celles-ci devront donc tenir compte, par­mi les critères d’attribution, de la part d’exécution du marché qui sera confiée à ces opérateurs. Le montant de cette part sera préci­sé par voie réglementaire. I’ordon­nance du 17 juin 2020 (article2), qui avait mis en place cette règle, fixait à 10%la part réservée a opérateurs économiques.

Dérogation aux règles de publicité et de mise en concurrence

De plus, les PME, qui ne dispo­sent pas toujours des moyens tech­niques et humains pour s’engager dans la mise en concurrence, bé­néficient de l’introduction d’une dérogation aux règles de publici­té et de mise en concurrence préalables, pour un motif d’intérêt gé­néral. Les collectivités pourront donc passer des marchés de gré à gré dans certains cas détermi­nés par décret en Conseil d’Etat. Le Conseil constitutionnel a préci­sé que cette dérogation devait res­ter exceptionnelle et n’avoir lieu que dans les cas où le recours aux règles générales serait« manifeste­ment contraire» à l’intérêt général. De même, l’article 142 de la loi re­hausse le seuil de dispense de for­malités préalables pour les marchés de travaux inférieurs à 100 000 eu­ros hors taxes ( 1), contre 70 000 € auparavant, jusqu’au 31 décembre 2022 pour les marchés pour les­quels une consultation a été enga­gée ou un avis d’appel à la concur­rence envoyé à la publication à compter du 8 décembre 2020. Cette évolution devrait notamment permettre aux collectivités d’accé­lérer la mise en chantier de leurs projets, à deux conditions: le mon­tant cumulé de ces lots ne devra pas excéder 20 % de la valeur to­tale estimée de tous les lots, et les acheteurs devront veiller à choisir une offre pertinente.

Dans ces deux hypothèses, le Conseil constitutionnel rappelle que les acheteurs ne doivent pas déroger aux exigences constitu­tionnelles d’égalité devant la com­mande publique et de bon usage des deniers publics (2).

Coup de pouce aux entreprises en redressement judiciaire

Les entreprises en redressement ju­diciaire, autrefois exclues de la pro­cédure de passation des marchés, peuvent se porter candidates à µn contrat de la commande publique, sans avoir à justifier qu’elles ont été habilitées à poursuivre leur ac­tivité pendant la durée prévisible du contrat. De plus, un contrat ne peut plus être résilié du simple fait que le titulaire est placé en redres­sement judiciaire.

Marchés réservés aux Esat

Enfin, l’article 141 de la loi a levé l’interdiction concernant la réserva­tion d’une même procédure, d’une part, aux entreprises adaptées (EA) et établissements et services d’aides par le travail (Esat), et d’autre part aux structures d’insertion par l’acti­vité économique (SIAE). Désormais, la collectivité peut donc réserver un marché ou un lot à ces deux types d’opérateurs économiques.

UN SIMPLIFIÉ RECOURS POUR LES ACHETEURS

Pour rappel, l’article L. 2171-4 du code de la commande publique au­torisait l’Etat à confier une mis­sion globale à un opérateur éco­nomique dans quatre cas. I’article 143 de la loi y a ajouté une cin­quième possibilité: l’Etat peut recourir aux marchés globaux pour la conception, la construction, l’aménagement, l’exploitation, la maintenance ou l’entretien de ses infrastructures de transport (hors ,bâtiments). De même, l’article 144 ouvre cette possibilité à la Société du Grand Paris, qui peut désormais recou­rir aux marchés globaux pour la construction et la valorisation im­mobilière de projets connexes au Grand Paris Express.

La représentation par un avocat sans mise en concurrence

I’article 140 de la loi modi­fie le code de la commande pu­blique en excluant de son champ d’application les marchés juri­diques : les services juridiques de représentation légale d’un client par un avocat, ainsi que les services de consultation juridique fournis par un avocat relèvent désormais des «autres marchés», qui peuvent être conclus sans publicité ni mise en concurrence.

Champ élargi pour les modifications de contrats

Depuis l’entrée en vigueur du code de la commande publique, les collectivités peuvent modifier les contrats conclus après le 1er avril 2016. I..:article 133 de la loi a étendu cette faculté aux contrats « pour lesquels une consultation à
été engagée ou un avis d’appel à la concurrence a été envoyé à la pu­blication avant le 1er avril 2016», lesquels peuvent être modifiés sans nouvelle procédure de mise en concurrence.
Cette évolution devrait notam­ment permettre aux collectivités territoriales de commander des travaux, fournitures ou services supplémentaires.

UN DROIT SPÉCIAL EN CAS DE CIRCONSTANCES EXCEPTIONNELLES


I’article 132 de la loi a créé dans le code de la commande publique un livre VII comprenant les dispo­sitions relatives aux circonstances exceptionnelles.
Ainsi, dans certaines circons­tances exceptionnelles, un dé­cret peut prévoir l’application de mesures aux marchés publics en cours d’exécution, en cours de passation ou dont la procédure de passation n’est pas encore enga­gée (3). Ce même article 132 crée un dispositif similaire pour les conces­sions dans un nouveau livre IV du code.

Adaptation possible des procédures de marché

Dans une telle situation, une col­lectivité territoriale pourra par exemple être autorisée à adapter la procédure de passation d’un mar­ché, lorsque les modalités de la mise en concurrence prévues dans les do­cuments de la consultation des en­treprises ne peuvent plus être res­pectées (à condition de respecter le principe d’égalité de traitement des « candidats). Elle pourra aussi pro­longer les délais de réception des candidatures et des offres pour permettre aux opérateurs écono­miques de présenter leur candida­ture ou de soumissionner (à moins que la prestation ne puisse souffrir aucun retard). Si une nouvelle pro­cédure de mise en concurrence ne peut pas être mise en œuvre, la du­rée du contrat prévue initialement peut être prolongée.

Prolongation de délai

Le titulaire peut demander une prolongation du délai d’exécution du contrat s’il est dans l’incapacité de les respecter ou si l’exécution de­mandait des moyens dont la mo­bilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive. Cette demande doit être transmise avant l’expiration du délai contrac­tuel et de la période exceptionnelle. Le délai est prolongé d’une durée équivalente à la période de non ­respect du délai d’exécution résul­tant directement des circonstances exceptionnelles.

Marché de substitution

Si le titulaire du marché se trouve dans l’incapacité d’exécuter tout ou partie du contrat (notamment s’il ne dispose pas des moyens suf­fisants ou que leur mobilisation fait peser sur lui une charge excessive), il ne pourra ni être sanctionné ni se voir appliquer de pénalité contrac­tuelle pour ce motif. Cependant, le maire pourra conclure un marché de substitution, avec un autre opé­rateur, pour répondre aux besoins qui ne peuvent souffrir aucun re­tard (mais l’exécution de ce marché ne peut être effectuée aux frais et risques du titulaire initial).