Afin d’éviter toute manifestation d’opinion de nature à porter atteinte ou à dévaloriser l’administration, tous les agents publics sont soumis à une obligation de réserve – consacrée par la jurisprudence – qui les « contraint (…) à observer une retenue dans l’expression de leurs opinions, notamment politiques, sous peine de s’exposer à une sanction disciplinaire » (cf. Rép. Min. QE n°63856, JOAN du 8 octobre 2001). La loi « déontologie » du 26 avril 2016 n’a pas inscrit l’obligation de réserve dans le statut, l’amendement adopté par le Sénat en ce sens ayant été supprimé en commission mixte paritaire. Elle garde donc son fondement jurisprudentiel.
Si cette obligation s’impose à tous, la nature des fonctions exercées par l’agent ou son niveau hiérarchique peuvent néanmoins conduire à ce que lui soit imposé un devoir de réserve plus strict.
Tel est notamment le cas des militaires.
Leur statut particulier prévoit, en effet, expressément que : « Les opinions ou croyances, notamment philosophiques, religieuses ou politiques, sont libres. / Elles ne peuvent cependant être exprimées qu’en dehors du service et avec la réserve exigée par l’état militaire. Cette règle s’applique à tous les moyens d’expression (…) » (article L. 4121-2 du code de la défense).
Cette exigence est renforcée pour les officiers généraux de la deuxième section – c’est-à-dire les officiers qui ne sont plus en activité mais qui demeurent maintenus à la disposition du Ministre de la défense – ceux-ci ne pouvant faire l’objet que d’une seule sanction en cas de faute disciplinaire : une radiation des cadres.
En application de ces principes, un général placé en deuxième section avait été radié des cadres de l’armée pour manquement aux obligations de réserve et de loyauté à l’occasion d’une manifestation et avait finalement contesté cette sanction devant le Conseil d’Etat.
Dans ce contexte, la question s’est alors posée de savoir si le contrôle de proportionnalité – exercé par le juge administratif depuis la décision Dahan (CE, 13 novembre 2013, n°347704) – trouvait à s’appliquer alors même qu’aucune autre sanction ne pouvait être envisagée.
Par sa décision du 22 septembre dernier, le Conseil d’Etat a répondu par l’affirmative en examinant, en détail, le contexte dans lequel les faits reprochés à cet officier général ont été commis pour, ensuite, apprécier si, compte-tenu de la gravité de ces faits, la sanction de révocation n’était pas disproportionnée. Il a ainsi jugé, en l’espèce, que cette radiation des cadres était justifiée malgré les états de service de l’agent et en dépit du fait qu’il n’a jamais fait l’objet d’aucune autre sanction.
Cette décision – qui sera mentionnée aux Tables – confirme en conséquence qu’aucune sanction disciplinaire n’échappe au contrôle de proportionnalité du juge administratif, y compris dans l’hypothèse où seule cette sanction est susceptible d’être prononcée.