La loi du 13 juillet 1983 portant droit et obligation des fonctionnaires institue, à la charge de la collectivité publique, une obligation de protection des fonctionnaires ou anciens fonctionnaires à raison, d’une part, des attaques dont ils sont victimes à l’occasion de leurs fonctions et, d’autre part, des poursuites pénales engagées contre eux (article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983).
Cette obligation de protection n’est pas inconditionnelle et la décision commentée a été l’occasion, pour le Conseil d’Etat, d’en préciser les limites pour chacune des deux hypothèses envisagées.
En l’espèce, Monsieur A, ancien directeur central des renseignements généraux à la direction générale de la police nationale a sollicité le bénéfice de la protection statutaire à la suite de la divulgation, dans un journal, d’extraits de carnets de notes comportant des informations recueillies par lui dans le cadre de ses fonctions et saisis par la justice dans le cadre de l’instruction d’une affaire pénale.
L’ancien fonctionnaire sollicitait la protection de la collectivité publique à deux égard : d’une part du fait des commentaires de presse qui accompagnaient ces révélations qu’il estimait injurieux, outrageants et diffamatoires, d’autre part en raison des plaintes déposées contre lui à la suite de la divulgation des informations contenues dans les carnets.
Le Ministre de l’Intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales lui ayant refusé le bénéfice de la protection statutaire, Monsieur A a saisi le Conseil d’Etat d’une requête en annulation contre cette décision de refus.
Par son arrêt du 20 avril 2011, la Haute juridiction annule la décision du Ministre mais uniquement en tant qu’elle rejette la demande de protection statutaire de Monsieur A à raison des plaintes dont il faisait l’objet.
Pour rejeter la demande de l’intéressé au titre des poursuites dont il faisait l’objet, le Ministre s’est fondé sur ce que la conservation, à son domicile, des carnets de notes personnelles constituait une faute personnelle détachable du service.
Le Conseil d’Etat censure cette appréciation et considère que cette circonstance ne saurait être regardée comme une faute personnelle. Il estime par conséquent que le Ministre ne pouvait refuser d’accorder la protection statutaire à Monsieur A à raison des plaintes dont il faisait l’objet.
En ce qui concerne les attaques subies par Monsieur A, la protection statutaire lui a été refusée au motif, d’une part, qu’il aurait commis une faute personnelle en conservant ses notes à son domicile et, d’autre part, que l’intérêt général justifiait qu’il soit dérogé à l’obligation de protection statutaire dès lors que les carnets comportaient des annotations susceptibles de jeter le discrédit sur des personnalités publiques.
Si le juge valide la décision du Ministre de ne pas accorder la protection subsidiaire au requérant à raison des attaques dont il était victime, il procède néanmoins à une neutralisation du motif illégal tiré de ce que l’intéressé aurait commis une faute personnelle, estimant que l’autorité administrative aurait pris la même décision si elle s’était fondée uniquement sur le motif, légal, de l’intérêt général.
Ce faisant, le juge administratif suprême donne son interprétation des dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 en refusant que le motif de la faute personnelle puisse faire obstacle à l’octroi de la protection statutaire lorsque celle-ci est demandée à raison des menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont le fonctionnaire fait l’objet.
Ainsi, le Conseil d’Etat considère que les dispositions de l’alinéa 3 de l’article 11 de la loi précitée qui instaurent la protection statutaire des fonctionnaires ou anciens fonctionnaires au titre des menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions « établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des fonctionnaires, lorsqu’ils ont été victimes d’attaques à l’occasion de leurs fonctions, sans qu’une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d’intérêt général ».
S’agissant des dispositions de l’alinéa 4 du même article, qui mettent à la charge de la collectivité publique une obligation de protection des fonctionnaires ou anciens fonctionnaires qui font l’objet de poursuites pénales, les juges du Palais Royal estiment qu’elles instituent « une protection qui ne peut être refusée que si les faits en relations avec les poursuites ont le caractère d’une faute personnelle ».
Ainsi la protection statutaire ne peut être refusée au fonctionnaire qui subit des attaques à l’occasion de ses fonctions que pour un motif d’intérêt général tandis qu’elle ne peut être refusée à celui qui fait l’objet de poursuites pénales qu’en présence d’une faute personnelle détachable des fonctions.