Victime d’une chute alors qu’elle marchait, la nuit, dans une ruelle d’un petit village de Haute-Corse, Madame B a saisi la juridiction administrative d’une requête tendant à la condamnation de la commune à l’indemniser de ses préjudices.
Par son arrêt rendu le 14 janvier 2011, la Cour administrative d’appel de Marseille annule le jugement par lequel le Tribunal administratif de Bastia avait rejeté la demande indemnitaire de la requérante.
Constatant l’importante profondeur du caniveau dans lequel a chuté Madame B, le défaut de protection autour de celui-ci, ainsi que l’absence d’éclairage, les juges d’appel retiennent l’existence d’un défaut d’entretien normal de la voie de nature à engager la responsabilité de la commune.
En effet, la Cour considère « que même si un village de montagne de Corse, faiblement peuplé comme la commune d’Alando, ne peut raisonnablement supporter, en matière de voirie, les mêmes obligations que des localités plus importantes, il appartenait à tout le moins aux services municipaux de mettre en place une signalisation visible de nuit avertissant les usagers au sujet des dangers présentés par les ruelles et par les caniveaux qui courent le long de celles-ci ; que la commune n’apporte en conséquence pas la preuve qui lui incombe de l’entretien normal de la voie où s’est déroulé l’accident ».
Est ainsi réaffirmée la jurisprudence traditionnelle selon laquelle l’absence de signalisation d’un danger constitue un défaut d’entretien normal de nature à engager la responsabilité de la collectivité chargée de cet entretien (CE, 12 mai 1986, Communauté urbaine de Lyon, req. n° 37845).
Cet arrêt de la Cour de Marseille est néanmoins remarquable dans la mesure où, alors que la plupart des décisions qui retiennent un défaut d’entretien normal pour absence de signalisation concernent des affaires dans lesquelles le dommage résultait d’une anomalie affectant temporairement la chaussée (voir par exemple s’agissant de l’effondrement non signalé de la chaussée : CE, 25 mai 1990, Cne de Saint Aignan Sur Cher, req. n° 52866), le juge estime ici qu’est constitutif d’un défaut d’entretien normal de la voie l’absence de signalisation du danger permanent que représente la profondeur du caniveau.
Cette décision est également l’occasion pour cette juridiction d’appel de rappeler que la faute de la victime est susceptible d’exonérer la personne publique de tout ou partie de sa responsabilité.
Si en l’espèce les juges de Marseille n’ont retenu aucune faute à la charge de la victime dès lors que celle-ci « n’était pas familière des lieux et n’était pas en mesure d’apprécier les dangers auxquels elle était exposée », il en est allé autrement dans une affaire dont a eu à juger la Cour administrative d’appel de Nancy qui a estimé, pour refuser d’engager la responsabilité de la commune, que la victime, blessée à la suite d’une chute sur la chaussée, avait fait un usage anormal de cette dernière, non destinée aux piétons, qu’elle ne justifiait pas de l’impossibilité d’utiliser, au moment de l’accident, le passage réservé aux piétons et qu’elle connaissait parfaitement les lieux. (CAA Nancy, 17 mars 2011, req. n° 10NC00510).
Il est intéressant de noter que, dans cette dernière décision, les juges de Nancy déduisent du comportement de la victime un entretien normal de la voie publique par la collectivité.
CAA Marseille, 14 janvier 2011, req. n° 08MA03780
CAA Nancy, 17 mars 2011, req. n° 10NC00510