Dans cette affaire, le Conseil d’Etat a jugé que « l’acquéreur, agissant en garantie des vices cachés, qui assigne en référé son vendeur dans le bref délai pour voir ordonner une expertise, satisfait aux exigences de [l’article 1648, dans sa version antérieure à l’ordonnance du 17 février 2005] ; que dès lors, c’est la prescription de droit commun qui court à compter de la conclusion de la vente », venant ainsi enrichir une jurisprudence peu abondante en matière de garantie des vices cachés.
En l’espèce, le Centre hospitalier de Castelluccio s’était rendu acquéreur d’un véhicule le 30 avril 2004, à la suite d’une procédure d’appel d’offres. Affecté de nombreux vices, le véhicule avait dû être immobilisé le 14 septembre 2007. Après une expertise diligentée par son assureur, le Centre hospitalier avait saisi en janvier 2008 le Tribunal administratif de Bastia d’une demande en référé-expertise, puis d’une demande en référé-provision le 15 juin 2009. Le 22 octobre 2010, la Cour administrative d’appel de Marseille rejeta l’appel du vendeur, la société Ajaccio Diesel, formé contre l’ordonnance du Tribunal rendue le 22 juillet 2009 et l’ayant condamnée à verser une provision d’un montant de 31720 €, considérant que le centre était fondé à intenter une action en garantie sur le fondement des articles 1641 et suivants du Code Civil.
Aux termes de l’article 1641 du code civil, « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine ». Ainsi que le prescrivait l’article 1648 du même code dans son ancienne version applicable aux faits de l’espèce, l’action devait être intentée par l’acquéreur dans un bref délai.
Depuis 1965, le Conseil d’Etat admet que les règles susmentionnées sont applicables aux marchés de fourniture (CE, Sect., 9 juillet 1965, Société Les Pêcheurs de Keroman, req. n° 59035, pour un exemple récent, cf. CE, 24 novembre 2008, Centre Hospitalier de la Région d’Annecy, req. n° 291539), et – c’est assez remarquable pour être souligné – sans la médiation de la formule trop bien connue « des principes dont s’inspire le Code Civil ».
Si le Tribunal administratif et la Cour ont, de concert, appliqué ces règles, ils ont entaché leur décision d’une erreur de droit, ce qui a conduit à la cassation de l’arrêt d’appel et à l’annulation du jugement de première instance par la juridiction suprême : les juges du fond avaient visé l’article 1648 du Code Civil dans sa version issue de l’ordonnance de 17 février 2005 relative à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur, qui prévoit que l’action doit être intentée dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice. Or cette version n’est applicable qu’aux contrats conclus postérieurement à son entrée en vigueur, alors que le véhicule avait été acquis en 2004. C’est l’ancienne version, prescrivant que l’action soit introduite dans un bref délai, qui trouvait donc à s’appliquer. Ce moyen, nouveau en cassation, était d’ordre public, puisqu’il s’agissait d’une question relative à l’application de la loi dans le temps.
Saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, le Conseil d’Etat a dû déterminer si l’action avait été intentée dans un bref délai.
Il convient dès lors de rappeler la position du juge civil : le délai ne court qu’à compter de la découverte du vice par l’acheteur (Civ.3ème, 2 février 1999). Néanmoins, le délai peut courir au jour de la notification du rapport d’expertise (Civ. 1ère, 11 janvier 1989, Bull. Civ.I n°12).
Les juges du Palais Royal ont estimé que le Centre, en introduisant une demande auprès du Tribunal en janvier 2008 sur le fondement de l’article R.532-1 du Code de justice administrative avait bien agi dans un bref délai, n’ayant eu connaissance des défauts et de leur cause qu’en août 2007, après réception du rapport d’expertise.
Le conseil d’Etat affirme finalement une solution déjà consacrée par les juges civils, qui veut que l’interruption du bref délai par une assignation en référé expertise (Civ.3ème 5 novembre 1997, Bull. Civ.III n°1999) a pour conséquence l’application de la prescription de droit commun (Civ.1ère 21 octobre 1997, Bull. Civ.I, n°292).
CE, 7 avril 2011, Société Ajaccio Diesel, req. n° 344226