Dans cette affaire, le Tribunal administratif de Paris a refusé de faire droit à la demande des requérantes tendant à mettre à la charge d’une commune, qui avait autorisé la tenue d’un salon professionnel par une décision qui a, par la suite, fait l’objet d’une annulation contentieuse, l’indemnisation d’un préjudice à la réparation duquel le juge judiciaire avait, par un jugement devenu définitif, déjà condamné les organisateurs de la manifestation pour concurrence déloyale.
Ce jugement, rendu le 24 juin dernier, est une parfaite illustration de la jurisprudence du Conseil d’Etat qui pose le principe selon lequel le juge administratif, lorsqu’il examine une demande indemnitaire, doit prendre les mesures nécessaires en vue d’empêcher que sa décision n’ait pour effet de procurer à la victime, par suite des indemnités qu’elle a pu ou qu’elle peut obtenir par ailleurs à raison des conséquences dommageables d’un même fait, une réparation supérieure au montant total du préjudice. (CE, 14 mars 2001, Centre hospitalier de semur-en-Auxois, req. n° 198236).
L’intérêt de la décision n’est pas dans le rappel de ce principe mais dans son application dans une affaire où la victime n’avait pas obtenu une indemnisation effective de son préjudice mais uniquement une condamnation du juge judiciaire présentée comme impossible à exécuter du fait de l’insolvabilité du débiteur.
Si le tribunal rejette la demande indemnitaire formulée par les requérantes, il admet, implicitement, certes, mais nécessairement, que l’impossibilité pour la victime d’exécuter la décision du juge judiciaire condamnant le coauteur du dommage à l’indemniser de son préjudice est de nature à écarter le risque d’une double indemnisation et à permettre la condamnation de la personne publique à indemniser ce même préjudice.
Il subordonne néanmoins la condamnation de la personne publique à la condition que la victime établisse avoir recouru à des voies d’exécution en vue d’obtenir le recouvrement de sa créance et démontre l’insolvabilité du débiteur condamné par la juridiction judiciaire.
Une autre question se pose.
Dans la mesure où une décision de justice valant titre exécutoire se prescrit par dix ans, il conviendrait que le juge refuse de faire droit à une demande tendant à l’indemnisation d’un préjudice dont la réparation a entièrement été mise à la charge de la personne privée coauteur tant que le délai de prescription du jugement de condamnation n’est pas arrivé à expiration.
En effet, titulaire d’une décision de justice reconnaissant son droit à être indemnisée et valant titre exécutoire, la victime pourra, dans les dix années qui suivent cette décision, poursuivre l’exécution de la condamnation en mettant en oeuvre tous les moyens légaux pour obtenir le paiement de sa créance.
Admettre la possibilité d’une condamnation de la personne publique du fait de l’insolvabilité de la personne privée coauteur du dommage avant l’expiration du délai de prescription laisse subsister le risque d’une double indemnisation dès lors qu’il n’est pas exclu que, dans ce délai, la victime parvienne à obtenir, de la part de la personne privée, le paiement de sa créance.
Le jugement rapporté ici a fait l’objet d’un appel.