La 18ème Chambre du Tribunal Judiciaire de Paris a rendu un jugement le 10 juillet dernier consacrant une première appréciation de l’article 4 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, par les juridictions en charge des contentieux relatifs aux loyers commerciaux impayés durant la période juridiquement protégée, et de confinement.
Il s’agit là d’une application stricte de l’article 4 consistant à dire que les loyers sont dus pendant la période juridiquement protégée.
Pour mémoire, afin d’éviter la propagation du Covid-19, les cafés-restaurants se sont vus imposer une fermeture administrative du 14 mars 2020 au 2 juin 2020.
Il ressort de l’article 4 de l’Ordonnance du 25 mars 2020 que :
« Les astreintes, les clauses pénales, les clauses résolutoires ainsi que les clauses prévoyant une déchéance, lorsqu’elles ont pour objet de sanctionner l’inexécution d’une obligation dans un délai déterminé, sont réputées n’avoir pas pris cours ou produit effet, si ce délai a expiré pendant la période définie au I de l’article 1er.
Ces astreintes prennent cours et ces clauses produisent leurs effets à compter de l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de cette période si le débiteur n’a pas exécuté son obligation avant ce terme.
Le cours des astreintes et l’application des clauses pénales qui ont pris effet avant le 12 mars 2020 sont suspendus pendant la période définie au I de l’article 1er »
En l’espèce, la question était de savoir si un restaurateur, qui n’a pas pu ouvrir son commerce au public en raison de la fermeture administrative, était redevable envers son bailleur des loyers et charges échues pendant ladite période de fermeture.
Dans son argumentaire, le bailleur avait sollicité le paiement intégral du loyer du 2ème trimestre 2020, avec application d’une compensation avec une somme qu’il devait au preneur.
Le preneur soutenait que l’exigibilité des loyers réclamés était suspendue en raison de l’article 4 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020.
Le Tribunal Judiciaire, saisi de cette question, a mis en évidence l’exigibilité des loyers commerciaux durant cette période et, surtout, l’exigence de bonne foi dans les relations commerciales.
Par conséquent, le Tribunal Judiciaire de Paris a jugé que « l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 n’a pas suspendu l’exigibilité des loyers commerciaux qui peuvent être payés spontanément ou par compensation, mais interdit l’exercice de voies d’exécution forcée par le bailleur en vue de leur recouvrement » 1
En outre, le Tribunal Judiciaire de Paris a retenu que l’article 4 de l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 « a pour effet d’interdire l’exercice par le créancier d’un certain nombre de voies d’exécution forcée pour recouvrer les loyers échus (..) mais n’a pas pour effet de suspendre l’exigibilité du loyer dû par un preneur à bail commercial dans les conditions prévues au contrat, qui peut donc être spontanément payé ou réglé par compensation. Selon l’article 1134 devenu 1104 du code civil, les contrats doivent être exécutés de bonne foi, ce dont il résulte que les parties sont tenues en cas de circonstances exceptionnelles, de vérifier si ces circonstances ne rendent pas nécessaire une adaptation des modalités d’exécution de leurs obligations respectives »1
Par conséquent, il ressort de ce jugement que, pendant la période juridiquement protégée, les loyers commerciaux sont dus et peuvent être payés par voie de compensation, la bonne foi et la loyauté étant fortement encouragées.
Ce jugement est révélateur de l’intention des juridictions d’inviter les bailleurs et les preneurs à s’adapter et à aménager eux-mêmes des modalités d’exécution de leurs obligations respectives. Ce dont le bailleur avait ici fait preuve, en n’exigeant pas le paiement immédiat du loyer et des charges dans les conditions prévues au contrat mais en proposant un aménagement.
Tribunal Judiciaire de Paris, jugement du 10 juillet 2020 ->