L’un des risques personnels pour le patron qui est contraint de liquider sa société est de se voir reprocher une ou des fautes de gestion. Cette procédure, souvent engagée à l’initiative du mandataire judiciaire, peut conduire le dirigeant à supporter tout ou partie du passif de la société liquidée.
Autant dire qu’après une liquidation, qui est déjà une épreuve, c’est plutôt une mauvaise nouvelle. La jurisprudence sur la faute de gestion est particulièrement fournie et une affaire récente est venue sur un terrain sensible, si ce n’est tabou en France : la rémunération du patron.
Il s’agissait d’une société bénéficiant d’un plan de continuation après une période de redressement judiciaire. Hélas, ce plan n’a pas pu être mené à son terme et la société a été liquidée après six années d’efforts pour se redresser.
C’est alors que le liquidateur a assigné le dirigeant en comblement de passif, à hauteur de 500.000 euros tout de même, lui reprochant sa rémunération dans l’année précédant la liquidation (de l’ordre de 185.000 euros) et de s’être octroyé un avantage en nature (une Jaguar…), pour un peu plus de 10.000 euros par an.
La Cour d’appel (d’Aix en Provence) a toutefois estimé que cette rémunération n’était pas hors de proportion avec les salaires versés aux cadres de l’entreprise et restait en adéquation avec les responsabilités exercées par le dirigeant au sein de cette importante société.
Mais la Cour de Cassation a censuré cette motivation dans son arrêt du 31 mai 2016.
Attention ! La Cour n’a pas validé la rémunération du dirigeant et son avantage en nature. Mais elle a jugé que le critère d’appréciation ne pouvait reposer ni sur la comparaison avec les salaires des autres cadres de la société, ni même sur le niveau de responsabilité du patron.
La Cour de Cassation ne retient et ne pose qu’un critère : la rémunération du dirigeant ne doit pas être manifestement excessive au regard de la situation financière de la société. Certes, il y a dans cette notion à peu près autant de marge d’appréciation qu’il y a de goûts et de couleurs…
Mais on peut penser que les juges seront particulièrement attentifs à au moins deux choses.
- D’abord, selon moi, il existe un risque important que la rémunération soit considérée comme manifestement excessive si elle contribue, durablement, à un résultat courant avant impôts négatif.
- Ensuite, il me paraît acquis que les juges seront plus attentifs au montant de la rémunération lorsque la société a fait l’objet d’un plan de continuation (ou de sauvegarde). Au cours de cette période de redressement de l’entreprise (qui rappelons-le peut tout de même durer pendant dix ans), les juges attendront sans doute des efforts significatifs des dirigeants et donc une modération de leur rémunération.
Dans notre affaire, c’est désormais la Cour d’appel de Montpellier qui devra se prononcer après renvoi par la Cour de Cassation.
A suivre… car il sera intéressant de voir comment les juges montpelliérains feront une application concrète, dans notre affaire, du critère posé par la Haute juridiction.