Dans le viseur, tant les personnes physiques auteurs des faits de corruption et de trafic d’influence d’agents publics étrangers que les personnes morales.
L’objectif des pouvoirs publics est de « casser » la corruption systémique
Par une circulaire du 2 juin (NOR : JUSD2004207), la ministre de la Justice a présenté sa politique pénale en matière de lutte contre la corruption internationale.
Après une large partie consacrée aux louanges adressées au Parquet national financier (PNF) qui a fêté ses 6 printemps, la circulaire fixe les lignes directrices qui doivent désormais présider l’action publique : de la détection des faits de corruption aux sanctions à requérir, l’ensemble de l’arsenal répressif est méthodiquement présenté.
S’adressant aux magistrats du parquet, et en particulier au PNF qui dispose d’une compétence nationale en la matière, le ton se veut naturellement offensif : les occurrences des termes « exhaustif » et « systématique » sont nombreuses.
La détection des faits de corruption
Au titre des moyens à mettre en œuvre, la circulaire invite en premier lieu à exploiter tous les canaux existants de signalement de faits de corruption : les signalements effectués par les agents de l’administration sur le fondement incontournable de l’article 40 du code de procédure pénale bien sûr. Mais aussi les demandes d’entraide des autorités de poursuite étrangères lesquelles devront, nous dit la circulaire, « être systématiquement exploitées ».
Les entreprises, qui doivent mettre en œuvre un programme de prévention de la corruption et notamment un dispositif d’alerte interne n’ont pas l’obligation directe de dénoncer des infractions au procureur de la République. Elles y sont pourtant vivement invitées par la circulaire afin notamment de bénéficier d’une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), si elles sont impliquées.
La CJIP reste présentée comme une « faveur » accordée aux seules personnes morales dépourvues d’antécédents, révélant volontairement des infractions et coopérant étroitement avec l’autorité judiciaire.
L’accent est enfin porté sur les articles de presse nationaux et étrangers : les faits qu’ils rapportent, lorsqu’ils sont circonstanciés et crédibles, doivent faire l’objet de vérification en vue de l’ouverture d’une enquête pénale. Un juste équilibre devra cependant être trouvé pour assurer l’impératif de transparence que porte cette circulaire, en évitant l’écueil du risque de noyade sous un trop plein d’informations.
La mise en place d’enquêtes méthodiques
S’agissant de l’enquête elle-même, les techniques à disposition en matière de corruption et de trafic d’influence d’agents publics étrangers sont exhaustivement rappelées.
On relève, entre autres, l’infiltration et l’enquête sous pseudonyme, auxquels les OPJ peuvent recourir sur simple autorisation du Procureur de la République. D’autres techniques, plus intrusives de la vie privée, requièrent quant à elles l’intervention du Juge des libertés et de la détention dont l’autorisation doit se fonder sur la nécessité des opérations sollicitées. La circulaire invite ensuite à poursuivre les infractions « secondaires » (blanchiment, abus de biens sociaux, etc.), rappelées de manière exhaustives elles aussi, dans les hypothèses où des faits de corruption ou de trafic d’influence ne pourraient être suffisamment caractérisés.
Les modes de poursuites et sanctions adéquates
Concernant les sanctions, la politique pénale insiste sur la nécessité de condamner les personnes physiques mises en cause pour des faits de corruption : que ce soient les salariés directement impliqués mais aussi les dirigeants et intermédiaires « qui sont intervenus, à un titre ou à un autre, dans le processus de commission de l’infraction ».
L’objectif affiché est d’identifier toutes les personnes physiques impliquées dans le schéma corruptif, en identifiant leur degré d’implication respectif, ainsi que les biens ou avoirs que ces derniers détiendraient en France, en vue d’une saisie.
La ministre de la justice ne manque pas de rappeler que la corruption repose sur des comportements individuels.
Toutefois, la circulaire rappelle également que la responsabilité pénale des personnes morales doit être engagée dès que possible, et ce afin « de faire cesser l’existence de stratégies commerciales fondées sur le recours habituel à des pratiques illicites ».
On rappellera que la responsabilité pénale d’une personne morale peut être engagée dès lors que l’infraction a été commise par l’un de ses représentant ou organe (art. 121-2 du code pénal), par exemple un délégataire de pouvoirs tel un dirigeant de filiale.
Et même en l’absence d’identification de la personne physique dès lors qu’il apparaît avec certitude que l’infraction a été commise par un organe ou un représentant de la personne morale (Cass. Crim. 14 mars 2018, N°16-82117).
Le sujet de la lutte contre la corruption est donc plus que jamais d’actualité.