Les délits de blessures et d’homicide involontaires peuvent être imputés à la personne morale employeur en cas de manquement aux règles de sécurité au travail ayant porté atteinte à l’intégrité physique du salarié.
En vertu de l’article 121-2 du Code Pénal, pour que la personne morale employeur soit pénalement responsable, encore faut-il que l’infraction soit commise par un de ses organes (à titre d’exemple Président, Gérant ou Directeur) ou par un de ses représentants (salarié avec délégation de pouvoir). Ceci implique, pour le juge, de procéder à un travail d’identification de l’auteur du manquement. De plus, l’infraction doit avoir été commise pour le compte de la personne morale.
Mais, témoignant d’une forte volonté répressive, la jurisprudence a instauré une présomption de culpabilité de l’entreprise lorsque le manquement à l’origine de l’accident a été commis pour son compte.(Cass. crim, 20 juin 2006, n° 05-85.255). La précision sur l’auteur du manquement n’était donc plus nécessaire.
Dans un arrêt rendu le 11 avril 2012, la Haute Juridiction a opéré un revirement jurisprudentiel en décidant que l’infraction commise ne peut être imputée à la personne morale que si les juges du fond ont vérifié que les manquements relevés à la charge de la société résultent de l’abstention de l’un de ses organes ou un ses représentants et qu’ils ont été commis pour son compte (Cass. crim, 11 avr. 2012, n° 10-86.974).
Un coup d’épée dans l’eau ? De nombreuses cours d’appel ont continué à présumer la culpabilité de l’entreprise lorsqu’un accident mortel du salarié a résulté d’un manquement aux règles de sécurité commis pour le compte de l’employeur.
Une Cour d’Appel s’est démarquée dans une affaire où un salarié sous contrat de professionnalisation s’est blessé alors qu’il travaillait à proximité d’une pelle mécanique.
Pour déclarer l’employeur coupable notamment de blessures involontaires, la Cour d’Appel a retenu que le Directeur de la société, titulaire d’une délégation de pouvoirs en matière de sécurité, avait subdélégué ses pouvoirs au chef de centre. Ce dernier disposait compte tenu de son niveau hiérarchique, de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour assurer sa mission. Dès lors le manquement à l’origine de l’accident a été commis par un représentant de la personne morale au sens de l’article 121-2 du Code pénal, agissant pour le compte de celle-ci. La responsabilité de l’employeur était donc engagée suite à l’accident dû à un manquement aux règles qu’il était tenu de faire respecter en vertu de sa délégation. La Cour de Cassation a approuvé le raisonnement de la Cour d’Appel (Cass. Crim. 25 mars 2014, n° 13-80.376.).
Face à la résistance des juges du fond, la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation a, avec force confirmé sa jurisprudence du 11 avril 2012.
En effet, dans 3 arrêts en date du 6 mai 2014, la Haute Juridiction elle a considéré que la culpabilité d’une société ne peut être prononcée «sans rechercher si les manquements relevés résultaient de l’abstention de l’un des organes ou représentants de la société prévenue et s’ils avaient été commis pour le compte de cette société». (Cass. Crim. 6 mai 2014 n°12-88.354, n°13-81.406 et n°13-82677)
Cette solution prône le retour à la lettre de l’article 121-2 du Code Pénal qui fait de l’implication d’une personne physique une condition pour engager la responsabilité pénale de l’employeur personne morale et ce, quelle que soit la nature de l’infraction commise. En cela, cette réponse mérite d’être approuvée sans que soit occulté le caractère grave et éprouvant des situations auxquelles elle a vocation à s’appliquer.
Cass Crim 11 avril 2012 10-86974