Par deux arrêts rendus le 30 décembre 2016 et mentionnés aux tables du Lebon (req. n° 386536 et 389835), le Conseil d’Etat a précisé la notion d’attroupement ou rassemblement au sens des dispositions de l’article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales, reprises à l’article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure, qui permet d’engager la responsabilité sans faute de l’Etat.
A l’origine de la première affaire (req. n°386536), le rassemblement d’une foule hostile à la suite du décès de deux adolescents consécutif à une collision avec un véhicule de police, qui a pris à parti les forces de police puis s’est déplacée vers la caserne des sapeurs-pompiers où avaient été déposés les corps des adolescents avant de s’attaquer aux commerces situés à proximité.
Le Conseil d’Etat a censuré la décision de la cour administrative d’appel qui avait estimé que l’incendie de l’un des commerces n’était pas le fait d’un attroupement ou d’un rassemblement au sens de l’article L. 2216-3 du code de justice administrative au motif que les auteurs des dégradations avaient utilisé des moyens de communication ainsi que des cocktails molotov et des battes de base-ball et qu’ils avaient formé des groupes mobiles.
La Haute juridiction a considéré que cette circonstance n’était pas de nature à permettre d’écarter la qualification d’attroupement ou de rassemblement au sens des dispositions précitées dès lors que « cet incendie avait été provoqué par des personnes qui étaient au nombre de celles qui s’étaient spontanément rassemblées, peu de temps auparavant, pour manifester leur émotion après le décès des deux adolescents ».
La deuxième affaire (req. n° 389835) concernait un mouvement de protestation au cours duquel des producteurs de lait avaient, entre le 7 et le 12 juin 2009, bloqué l’accès à une plateforme d’approvisionnement des magasins de grande distribution d’une société. Cette manifestation s’inscrivait dans un contexte plus général de protestation des producteurs de lait sur tout le territoire national.
Le Conseil d’Etat valide la position des juges d’appel qui, après avoir constaté que les moyens matériels mis en œuvre pour réaliser le blocage de la plate-forme d’approvisionnement relevaient une action préméditée, organisée par un groupe structuré, ont jugé « qu’un groupe qui s’était constitué et organisé à seule fin de commettre le délit d’entrave à la circulation puni par l’article L. 412-1 du code de la route ne pouvait être regardé comme un attroupement ou un rassemblement au sens des dispositions législatives précitées ».
Le Conseil d’Etat considère ainsi que c’est le critère de la spontanéité qui permet de caractériser un attroupement ou rassemblement au sens des dispositions de l’article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales, reprises à l’article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.
Un attroupement ou rassemblement spontané constitue un attroupement ou rassemblement au sens des dispositions précitées et est ainsi de nature à engager la responsabilité sans faute de l’Etat, ce qui n’est pas le cas d’un attroupement ou rassemblement prémédité et organisé.