Par un arrêt rendu le 29 mars 2017 et publié au Bulletin (N°15-17.659), la Chambre commerciale de la Cour de cassation a opéré un revirement de sa jurisprudence relative aux conséquences de l’appel formé devant une juridiction du second degré autre que la Cour d’appel de Paris, dans les litiges relevant de l’article L. 442-6 I 5° du Code de commerce.
Dans cette décision, la Haute juridiction a pris le soin d’exposer sa jurisprudence, jusqu’alors constante, qui sanctionnait, par une fin de non-recevoir devant être relevée d’office, tout appel formé devant une Cour d’appel autre que la Cour d’appel de Paris, dès lors qu’une demande était fondée sur la rupture d’une relation commerciale établie.
Elle fondait cette jurisprudence sur l’article D. 442-3 du Code de commerce, qui fixe la liste des 8 juridictions de premières instances compétentes pour statuer sur ces litiges. Or, le second alinéa de cet article dispose : « La cour d’appel compétente pour connaître des décisions rendues par ces juridictions est celle de Paris. ». Ainsi, elle sanctionnait par une fin de non-recevoir les recours contre les décisions rendues matière de rupture brutale des relations commerciales formé devant une autre Cour d’appel que celle de Paris, y compris lorsque la décision de première instance émanait d’une juridiction du premier degré non spécialisée, et donc hors de la liste.
Par l’arrêt du 29 mars 2017, la Cour de cassation a considéré qu’il était nécessaire de revenir sur cette position, qui était source d’insécurité juridique en ce qui concerne la détermination de la Cour d’appel compétente pour connaitre d’un litige, et qui conduisait au maintien des décisions prises par les juridictions de première instance non spécialisées, alors que l’objectif du législateur était de confier le contentieux relevant de l’article L. 442-6 I 5° du Code de commerce à certaines juridictions spécialisées.
Dans le cadre de cette affaire, un distributeur avait assigné deux sociétés qui l’approvisionnaient en rupture des relations commerciales établies pour la première, et en prise de part active dans cette rupture pour la seconde, devant le Tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion. Ledit Tribunal l’ayant débouté, il avait relevé appel du jugement devant la Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion, qui avait alors déclaré irrecevable son appel, comme non interjeté devant la Cour d’appel de Paris.
La Cour de cassation a censuré cet arrêt en retenant « qu’il appartenait [à la Cour] de déclarer l’appel recevable et d’examiner la recevabilité des demandes formées devant ce tribunal puis, le cas échéant, de statuer dans les limites de son propre pouvoir juridictionnel », s’agissant de l’appel d’un jugement rendu par une juridiction non spécialisée mais située dans son ressort.
Dès lors, la position de la Haute juridiction sur la compétence des juridictions du second degré en matière de rupture brutale des relations commerciales est la suivante :
- Les appels formés à l’encontre de décisions rendues par l’une des 8 juridictions de première instance spécialisées doivent être portés devant la Cour d’appel de Paris, sous peine d’irrecevabilité de l’appel ;
- Les appels formés à l’encontre de décisions rendues par une juridiction de première instance non listée à l’article D. 442-3 du Code de commerce doivent être portés devant la Cour d’appel de droit commun de leur ressort, qui devra alors « relever, d’office, l’excès de pouvoir commis par ces juridictions » en statuant sur des demandes relatives à l’application de l’article L. 442-6 I 5° du Code de commerce. En ce cas, l’appel serait donc bien recevable, mais les demandes basées sur ce fondement devraient être déclarées irrecevables.