Lorsqu’une entreprise souhaite se séparer de l’un de ses fournisseurs historiques, prudence ! La loi (article L.441-6 du Code de commerce) protège les fournisseurs en imposant le respect, par celui qui est à l’origine du « divorce », d’un préavis. On ne peut pas se séparer sur un coup de tête…
En quelques mots, celui qui souhaite mettre un terme à des relations commerciales établies, doit le signifier par écrit à celui qu’il éconduit et lui accorder un préavis raisonnable, le temps de se retourner. La durée de ce préavis est de l’ordre d’un mois par année d’ancienneté des relations d’affaires.
Au cours de ce préavis, les relations commerciales doivent rester peu ou prou les mêmes que par le passé et notamment le montant des commandes auprès du fournisseur en sursis.
Pour plus de détails sur le régime de l’article L.441-6, vous pouvez consulter notre note juridique.
Quand il n’existe pas de lettre de rupture ou lorsque le préavis a été omis, on parle alors de rupture brutale et le juge l’indemnise. Il accorde généralement une indemnité correspondant à la perte de marge subie pour la durée du préavis qui n’a pas été appliqué.
Par exemple, si je travaillais depuis 10 ans avec mon client, j’ai droit à 10 mois de préavis. Si j’en suis privé et que je réalisais un chiffre d’affaires de 10.000 euros par mois, pour une marge de 20 % – soit 2.000 euros/mois, le juge va m’accorder une indemnité correspondant à 10 mois de marge, soit ici 20.000 euros.
Traditionnellement, la jurisprudence prend pour assiette de calcul du chiffre d’affaires et de la marge la moyenne mensuelle du chiffre d’affaires HT réalisé au cours des trois années précédant la rupture à laquelle est affectée cette marge brute pendant la durée du préavis.
Dans notre affaire, le fournisseur qui s’estimait victime d’une rupture brutale avait soutenu qu’il fallait tenir compte, en plus, d’un facteur de saisonnalité et il retenait une assiette de calcul appuyée uniquement sur le dernier trimestre des trois années précédant la rupture.
Et comme par hasard, le dernier trimestre était toujours le meilleur, ce qui avait pour effet d’augmenter sensiblement le montant de l’indemnité.
Le Tribunal de Commerce de Paris, qui avait suivi cette analyse, a été désavoué sur ce point par la Cour d’appel qui est restée ferme sur l’application « classique » de la jurisprudence en jugeant :
« Il n’apparaît pas justifié de tenir compte d’une saisonnalité de l’activité de la société L…, dont la mission portait sur des prestations de réparation, de maintenance curative et d’entretien des installations et équipements des magasins de sa cliente sur l’ensemble du territoire français, mission soumise par sa nature même à un aléa ».
Certes, la Cour tient compte de la nature de l’activité de la société victime de la rupture pour refuser l’application d’un facteur de saisonnalité. Mais on peut raisonnablement penser qu’il s’agit là d’une position qui devrait perdurer.
En effet, sauf à sombrer dans une imprévisibilité, voire un arbitraire dangereux pour les opérateurs économiques, le calcul de l’indemnité due en cas de rupture abusive des relations commerciales doit s’en tenir à une formule objective, simple et connue.
Une assiette de calcul fondée sur la moyenne des 3 années précédentes, sans autre subtilité, répond parfaitement à ces impératifs.
On peut en conclure qu’il n’y a plus de saisons en matière de rupture abusive des relations commerciales !